L’Oriental, territoire de 82 320 km², situé dans le prolongement nord-est du Royaume, avec une population de près de 2 millions d’habitants a de tous temps, de par son histoire et sa géographie, été une zone de flux économiques et sociaux ouverte sur son environnement international. Avec ses deux fenêtres, l’une donnant à l’est vers l’Algérie, le reste du Maghreb et par extension vers l’Afrique subsaharienne, la seconde donnant sur le pourtour méditerranéen.
Cette géographie a façonné le destin de cette région frontalière devenue très sensible au degré d’intensité des échanges avec son environnement international immédiat. Plusieurs pans de l’économie régionale se sont construits sur la base des liens frontaliers avec, notamment, l’Algérie à l’Est et l’Espagne au Nord (commerce et services, transport routier, maritime et ferroviaire, banques et services financiers, etc.). L’analyse des flux économiques de la région montre d’ailleurs que cette dernière a été historiquement plus une région de transit qu’une région qui valorise ses ressources localement.
L’éloignement de la région des centres de décision nationaux a, en outre, contraint l’économie régionale à rester dépendante des contingences frontalières. À l’Est, les frontières ont été depuis l’indépendance à ce jour plus fermées qu’ouvertes ; situation qui a conduit la région à demeurer dans une situation «d’attentisme économique» à cause d’une intégration régionale du Maghreb toujours reportée aux «calendes grecques».
Ce contexte économique, provoqué par l’éloignement de la région par rapport au centre du pays et la fermeture des frontières à l’est, a poussé la région à orienter ses flux vers le nord de la méditerranée ; en l’occurrence vers l’Europe. Aujourd’hui, l’Oriental est devenu, par sa diaspora et ses échanges économiques, l’une des régions du Royaume les plus connectées avec l’Europe. C’est l’une des réalités encore méconnues au plan national et international.
On estime qu’entre 800 000 à 1 million d’hommes et de femmes issus de l’Oriental sont à l’étranger, essentiellement en Europe. Si l’on rapproche ce chiffre de celui de la population totale de l’Oriental qui ne dépasse pas 2 millions (selon le recensement de 2004), nous pouvons mesurer l’importance des liens humains de l’Oriental avec l’autre rive de la Méditerranée.
Les estimations statistiques relatives à la diaspora indiquent que 70% des Marocains résidant en Allemagne sont issus de l’Oriental, le même chiffre est avancé pour les Pays-Bas, 60% en Espagne, 50% en Belgique et 30% en France. De même, selon les chiffres disponibles, 25% des flux financiers de la diaspora transférés au Maroc (plus de 4 milliards d’euros en 2007) le sont vers l’Oriental. En matière d’import-export, 80% des revenus des produits d’exportation de la région (produits agricoles et agro-industriels) le sont à la faveur des exportations vers les marchés européens. La proximité d’une province aussi importante que Nador avec l’enclave occupée espagnole de Melilla génère des courants d’échanges économiques non négligeables.
Dans l’attente de la construction du Maghreb arabe, la région a établi des liens forts avec l’Europe, notamment à travers la population des Marocains résidant dans les pays européens (France, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Espagne, Italie, etc.) et issus de la région. L’Agence de l’Oriental a pleinement intégré cette réalité et en prend compte dans le cadre de la stratégie de développement régional, notamment dans son volet de la coopération internationale.
Par Taoufiq Boudchiche, directeur Coopération et promotion à l’Agence de l’Oriental
Source: LE MATIN